Journal de la création

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TitreJournal de la création
Type de publicationLivre
Année de publication2001
Auteur·e·sNancy Huston
CollectionBabel
Nombre de pages353
ÉditeurÉditions du Seuil
VilleParis
Mots-cléscréation, création littéraire, écriture, littérature
Résumé

Résumé descriptif:

Pendant environ six mois alors qu’elle attend son deuxième enfant, Nancy Huston explore dans son Journal de la création les liens entre la création et la procréation, et développe son ouvrage autour d’une réflexion sur l’écriture et l’expérience de la grossesse. Elle retrace aussi la vie de plusieurs couples de l’histoire littéraire, au nombre desquels figurent notamment Georges Sand et Alfred de Musset, Leonard et Virginia Woolf, Simone De Beauvoir et Jean-Paul Sartre, Sylvia Plath et Ted Hughes, Colette Peignot et Georges Bataille.
 
Dans l’histoire de la création, écrit Huston, les femmes sont «non pas du côté de l’auctor (auteur, autorité), mais du côté de la mater (mère, matière)» (p. 29). En vertu de cette association, «les femmes, même lorsqu’elles désirent ardemment devenir des auteurs, sont moins convaincues que les hommes de leur droit et leur capacité à le faire» (p. 29). Et de ce point de vue historique, l’auteure se demande si la femme peut s’extraire de la mater pour écrire. À l’évidence, observe Huston, plusieurs difficultés surgissent lorsque la femme tente d’y parvenir : la fusion des deux êtres («Deux êtres qui s’aiment ne font qu’un : lequel ?» p. 166), la folie —dont la sienne— qu’elle définit comme «ce temps merveilleux et abominable où tout signifie» (p. 248), différentes pathologies sexuelles et, d’une manière générale, beaucoup de souffrance. Le corps et l’esprit de la femme créatrice se dressent donc l’un contre l’autre, devenant le siège d’une lutte qui se manifeste par toutes sortes de maladies. Lorsqu’il y a crise, «l’interpénétration du psychisme et de l’organique atteint la limite du soutenable» (p. 248). Tout possible désintégré, «l’artiste est pareille à un vide blanc» (Unica Zürn, p. 277). 
 
Par-delà les portraits qu’elle dresse, Huston revendique donc comme une victoire de «faire vivre le corps, faire vivre l’esprit» (p. 312), en ne retranchant plus le savoir de la matérialité et de la maternité (p. 312).
 
Résumé interprétatif:
 
C’est après avoir réalisé une série d’émissions radiophoniques sur les couples d’écrivains que Nancy Huston s’est intéressée de plus près au «conflit entre l’art et la vie, la création et la procréation, l’esprit et le corps» (p. 18). C’est pourquoi son Journal de la création est marqué par le temps, tout comme celui-ci, de façon cyclique, marque le corps des femmes.
Les désirs successivement réprimés puis abandonnés par les femmes écrivains sont ressentis par Huston comme des mutilations. Puisque le corps d’une femme rend plus concret le passage du temps que celui d’un homme, que son corps à elle mesure la vie en cycles, «elle est, de l’homme, la mortalité visible» (p. 16). En refusant les femmes-corps, expliquera Huston, c’est la mort que l’ordre patriarcal a cherché à éloigner d’une sphère langagière où les hommes pouvaient prétendre à l’immortalité. «Les institutions patriarcales ont privé non seulement les femmes de leur âme, mais les hommes de leur chair [...]» (p. 295). 
 
Les couples auxquels s’intéresse Nancy Huston sont représentatifs d’un siècle charnière au cours duquel «la fameuse “tour d’ivoire” qui a si longtemps protégé la paix et l’impunité des hommes artistes —tour dont les femmes avaient gardé impeccables les fenêtres et silencieux les parages— est en train de se fissurer et de s’écrouler» (p. 295). Sur le chemin d’un retour naturel à leurs possibilités créatrices, les femmes artistes souffrent d’une scission entre corps et esprit. Certaines, comme Virginia Woolf ou Simone De Beauvoir, miment le dualisme hérité du christianisme ; elles en viennent même à nier le corps de la mère afin de se rapprocher du pôle esprit (paternel) et s’abîment dans un complexe d’Électre renforçant l’immortalité de l’homme-esprit.
 
Les figures féminines décrites par Huston sont marquées d’une violence insidieuse tout entière tournée contre elles. Leur féminité devient «le siège d’une histoire qui se déroule en elles et qui ne les concerne pas personnellement» (p. 175). L’amour y est désemparé, la subjectivité laminée et la sexualité y est confondue avec la mort ou l’abjection. La femme artiste découvre progressivement qu’elle s’avance dans un labyrinthe piégé, jalonné d’issues qui n’en sont pas.
 
Si création et procréation sont non seulement compatibles mais inséparables dans une vie de femme, le destin des couples d’artistes, considère Huston, ne repose pas pour autant dans un rapport thérapeutique à la création. On ne peut nier que la déroute investiguée est aussi celle des hommes, et peut-être plus encore celle des créateurs qui s’avancent, dévoilés, dans un réel désarticulé où toute rencontre est difficile.
 
Refusant la fusion artificielle d’un couple idéalisé mais destructeur, Nancy Huston cherche à redonner un sens à l’identité, à l’altérité et à l’échange dans le couple. Elle observe les plaies qui marquent les corps des femmes dont elle étudie l’histoire et médite sur l’assassinat, l’exécution ou le suicide de leurs consciences désespérées, qui sont chaque fois cautionnés par l’autorité de l’autre. Si Scott Fitzgerald plagie sa femme Zelda, si Colette Peignot n’arrive pas à combattre la fusion amoureuse où elle est «dissoute» (p. 238) au profit des aspirations de Bataille, le maintien de l’altérité et de l’échange reste possible dans certains couples d’écrivains ou d’artistes, comme chez Georges Sand et Alfred de Musset ou Elizabeth Barrett et Robert Browning. À partir de ce constat, Huston parvient à faire émerger la possibilité d’une femme nouvelle : une créatrice qui assume son expérience, attache une valeur à son corps et ne peut plus être réduite à la fragilité, à la maladie ou à la dépendance.

Source : Interligne - UQÀM (http://www.interligne.uqam.ca/pages/liste_biblio.asp)