La violence du calme. Essai

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TitreLa violence du calme. Essai
Type de publicationLivre
Année de publication1997
Auteur·e·sViviane Forrester
CollectionFiction & Cie
Nombre de pages215
ÉditeurSeuil
VilleParis
Résumé

Résumé descriptif:

Avec La violence du calme, paru en 1980, la romancière et essayiste Viviane Forrester dénonce les «lois clandestines» (p. 12) qui entretiennent le calme des individus et des sociétés. Selon elle, «[l]a vraie loi n’est pas légiférée. Elle se traduit en phénomènes» (p. 12) tels que la répression, la guerre et le chômage (question qu’elle abordera à nouveau dans L’horreur économique, Prix Médicis de l’essai 1996).
 
Cette volonté de discerner l’indicible, derrière le calme apparent des sociétés, passe chez Forrester par une lecture inédite de plusieurs grandes figures de la littérature comme Hamlet et Lear, ainsi que d’auteurs tels Sade, Proust, Artaud, Woolf et Freud. Essentiellement éthique, cet essai porte en particulier sur l’Histoire, «un récit truqué qui rafle le passé, sature l’avenir, refoule l’immédiat» (p. 24), et dont la force d’imposition est telle qu’elle semble devenue naturelle et irréversible. L’Histoire qui gère la mort gère aussi la vie et le désir qui l’anime et, selon Forrester, «tant que le discours politique ne pourra être un discours technique et/ou philosophique, [...] et que chacun ne pourra entendre, comprendre, tenir ce discours, il n’y aura pas histoire mais imposture» (p. 35). Pour l’auteure, l’homme n’est pas libre mais prisonnier du discours unitaire de l’Histoire, un discours qui a horreur du vide, du rien, qui ne propose que «du plein, de l’objet, de la chose à désirer, à défaut de désir» (p. 24). 
 
La violence du calme, plaidoyer pour l’exercice de la pensée et le droit à la jouissance, exerce (et exige) un regard lucide qui, seul, permet de s’extraire du mensonge et d’accéder au présent de soi. Il s’agit dès lors de déceler la voix qui porte le désir plus que le désir lui-même. Sinon, «comment écrire, comme ici, sans taire ce qu’il eût fallu dire ? Crier ? Mais rien qui soit le cri. Sinon la gorge même» (p. 212).
 
Résumé interprétatif:
 
Viviane Forrester remet en question, dans La violence du calme, le sens même de la réalité qui nous entoure en tentant, entre autres, de révéler les règles tacites qui régissent notre liberté. D’emblée, elle s’étonne du calme de la foule qui marche inéluctablement et sans résistance vers la mort. Car le calme est, selon elle, une forme de «violence inaperçue» (p. 21) ; aussi, face à la coercition qui maintient dans l’impassibilité, n’y a-t-il qu’une ressource, une exigence : l’extrême lucidité. Mais là où l’Histoire nous réduit à quelques données statistiques, «il n’est d’activité plus subversive que la pensée» (p. 38), justement parce qu’elle nous permet d’intervenir réellement dans le monde. Ainsi, «[p]artout, ce qui déclenche la répression, c’est l’énonciation de la pensée et de la jouissance confondues» (p. 42), parce que la pensée révèle et assume la possibilité du manque et de l’absence là où la peur de l’inanité, de la mort, nous ordonnerait le silence et l’immobilité. 
 
Ce qui est à l’œuvre chez Forrester, c’est le risque du désir de la connaissance et de la jouissance de soi. «Tout créateur, homme ou femme, tout penseur, qu’il soit peintre, musicien, écrivain, scientifique, ou qu’il désire, sans plus, être vivant, doit d’abord lutter contre le discours qui usurpe les langages. Et se faire pour cela marginal» (p. 53). En cela, nombreux sont les créateurs et les penseurs qui, ayant participé à cette lutte, ont péri, sont devenus fous ou sont morts prématurément : Sade, Artaud, Woolf, Nietzsche et Nerval. Individus niés pour avoir voulu explorer les limites du langage au risque de découvrir qu’au-delà, il n’y avait rien. 
 
L’expression du je, ce «nom de la survivance et que l’on n’entend pas» (p. 165), s’oppose à plusieurs reprises, dans l’essai, aux voix lénifiantes et castratrices de l’Histoire. C’est le cri du roi Lear devant le «nothing» de sa fille Cordélia, le moi fou et exhibitionniste d’Antonin Artaud, la sensualité de Woolf qu’on nie en l’accusant de frigidité «[parce qu’il] n’est pire délit que de se refuser au désir dirigé» (p. 16). 
 
Alors que la mort, la jouissance et le vide sont au cœur même de la possibilité d’aller dans le vivant et le langage, leur occultation derrière les postulats inorganiques des discours de la productivité étouffe la vie. Pour Forrester, vivre signifie entretenir «la seule mémoire, qui est celle du présent» (p. 116), mais la séparation obstinée du monde en organique/inorganique et le refus du corps que cela sous-tend maintiennent le pouvoir et le contrôle de l’Histoire sur ces «vies inquiètes de durer» (p. 19). L’Histoire réprime la jouissance et la vie humaine n’est plus, dès lors, que survivance, attente de la mort. Mais «quelle volonté brutale il faudra pour imposer le calme d’une présence dans un système qu’elle épouvante et qui survit d’oubli ?» (p. 16) 
 
En somme, La violence du calme dénonce avec insistance, dans une écriture proche du cri, le refus du vivant que donne à lire l’histoire. La croyance intime de Forrester est que vivre, «c’est détériorer calmement, presque machinalement, presque de surcroît, le fondement même de la violence» (p. 43). Mais il n’y a chez elle aucune visée réformiste. Au centre de son essai se trouve donc l’urgence de constater, la nécessité de ne pas taire ce qui ne saurait être entendu : «Savoir aller au pire, l’exprimer» (p. 23). Pour cela, il faut penser —fondement même de la liberté.
 

Source : Interligne - UQÀM (http://www.interligne.uqam.ca/pages/liste_biblio.asp)