Le don des morts. Sur la littérature

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TitreLe don des morts. Sur la littérature
Type de publicationLivre
Année de publication1991
Auteur·e·sDanièle Sallenave
Nombre de pages189
ÉditeurGallimard
VilleParis
Résumé

Résumé descriptif:

Le don des mort de Danièle Sallenave est une réflexion qui s’articule autour de la question du livre, de la nécessité de la littérature et de la culture en rapport avec l’acte de lire et le savoir. L’auteure exprime son inquiétude face à cet habitat de l’être humain qui établit «une nouvelle façon de vivre ensemble, de penser, de se distraire, dont les livres ne sont plus le centre» (p. 15). Parce que les livres, pour elle, s’opposent au chaos et imposent «au désordre du monde une lecture possible» (p. 16). Ils permettent de penser l’univers, de percevoir, de voir et d’imaginer, d’appréhender la réalité à travers ce «don que font les morts à ceux qui viennent après eux» (p. 65), de ressentir le temps de la lecture, sans passé ni présent, comme un temps ouvert sur un autre temps. Lire, non pas pour prolonger ce monde-ci, mais pour le suspendre (p. 98).
 
En outre, Danièle Sallenave déplore ce qu’elle nomme «la séparation culturelle» (p. 85), qui divise les lecteurs en deux classes. Ceux à qui sont offerts les ouvrages savants et la grande littérature, et les autres, «la grande masse» (p. 85), à qui l’on n’offre rien et qui sont irrémédiablement condamnés à la culture populaire. Entre ces deux classes, nulle réconciliation possible tant et aussi longtemps que le livre sera perçu comme une manière «de passer le temps, d’occuper ses loisirs, de répondre à l’angoisse du temps libre» (p. 94). Or, cette façon de concevoir le livre relève, pour Sallenave, d’une «pratique culturelle […] des plus dangereuses» (p. 94) en ce qu’elle brouille les notions de culture et de savoir, en mêlant les concepts de patrimoine (qui concerne l’ensemble des œuvres) et la question du savoir (qui renvoie à la culture acquise à travers tous ces livres) ouvrant sur «l’éternité des choses qui ont passé par les mots» (p. 182).
 
Résumé interprétatif:
 
C’est par une double métaphore du livre et de la ville comme lieux de savoir, en ce qu’ils «imposent au désordre du monde l’ordre d’une lecture possible», (p. 16) que s’ouvre Le don des morts de Danièle Sallenave. Métaphores qui accompagneront d’ailleurs la réflexion de l’auteure tout au long de ces essais où elle s’attarde à définir l’existence même de l’être humain en rapport à la littérature et au livre comme objets de connaissance. Le livre et la ville participaient tous deux, en Europe occidentale du moins, à la pensée, à «l’expérience élargie» (p. 39) où circulent les vivants et les morts, et proposaient une vision du monde, de l’existence humaine, qui relevait de l’œuvre d’art. Car, «comme la vie avec le livre, la vie dans les villes affirmait la primauté de l’esprit et de la mémoire sur les choses ; consacrait le triomphe des raisons sur le cours naturel du monde» (p. 16).

Sachant cela, comment peut-on envisager l’existence humaine sans les livres ? Comment peut-on concevoir la connaissance et la raison si les livres ne sont plus au centre de notre univers, s’ils ne sont plus ces «espaces publics où l’homme regarde, passe, échange, pense» (p. 15) comme dans les villes d’autrefois ? Questions qui rendent compte à la fois des enjeux principaux de la réflexion de Danièle Sallenave, qu’elle présente ici comme le récit «d’une vocation de lecteur» (p. 41), mais aussi de son inquiétude face à l’avenir de l’être humain si le livre n’en est plus le centre. C’est dire que sans les livres, elle craint que l’homme se perde de vue ; sa vison de la vie et sa place dans le déroulement de l’Histoire étant obscurcit par cette absence. À ceux à qui les livres ont fait défaut, il «leur manquera toujours la pensée» (p. 39) et ils n’auront jamais véritablement accès au monde.

Pour Sallenave, les livres permettent de penser la vie et d’intervenir dans son déroulement. Ils sont une source de liberté dans la mesure où, dégagés de la nécessité de devoir vivre, ils offrent une réponse à la «misère terrible d’une existence circulaire, piégée par la nécessité, et dont toutes les forces sont consacrées à l’entretien de la vie» (p. 20). Le monde imaginé dans les livres permet ainsi de comprendre le monde réel. D’ailleurs, aucune démarche réflexive ne serait possible sans les livres. Elle associe la lecture à un mouvement de création qui permet au lecteur de se déployer en dehors de lui-même. Grâce à la lecture, ce dernier peut accéder au savoir universel et échapper à la singularité de son existence : il a la possibilité de s’entrevoir dans la communauté et dans l’Histoire, de manière collective et plurielle.

Dans les derniers chapitres de son ouvrage, l’auteure témoigne de sa posture d’écrivaine. Selon elle, tout créateur trouve dans la mélancolie la source paradoxale de son inspiration : autant la mélancolie paralyse l’être humain, autant elle met l’artiste et l’œuvre en mouvement. Il y aurait, dans l’activité créatrice, la volonté de se souvenir, l’acquittement d’une dette envers les morts et «l’espérance d’une résurrection des corps dans le corps glorieux des mots» (p. 175). Confronté à sa finitude, le lecteur se donne une immortalité provisoire en rejoignant d’autres temps et, par le fait même, participe à l’immortalité de l’œuvre. Parallèlement, la littérature permet de franchir le passage menant «du temps qui détruit au temps qui conserve» (p. 184). Ce temps, c’est le don des morts à ceux qui vivront après eux, car le présent n’est rien si le passé ne cohabite pas avec lui par les livres. L’imparfait, temps de la fiction, est donc celui du passage à l’éternité.

 

Source : Interligne - UQÀM (http://www.interligne.uqam.ca/pages/liste_biblio.asp)