@book {409, title = {Apr{\`e}s-midi d{\textquoteright}un {\'e}crivain}, year = {1989}, pages = {84}, publisher = {Gallimard}, organization = {Gallimard}, edition = {Du monde entier}, address = {Paris}, abstract = {
R{\'e}sum{\'e} descriptif:
Le r{\'e}cit de Peter Handke, Apr{\`e}s-midi d\’un {\'e}crivain, commence non seulement au moment m{\^e}me o{\`u} le personnage principal \—un {\'e}crivain en l\’occurrence\— quitte sa table de travail pour aller faire une promenade en solitaire, mais s\’{\'e}labore pr{\'e}cis{\'e}ment {\`a} travers et autour de la marche de l\’{\'e}crivain, comme un \«projet d\’itin{\'e}raire\» (p. 22). Aussi, cette fuite vers l\’ext{\'e}rieur, le \«dehors\» (p. 12), se veut surtout un parcours dans la ville. Parcours qui inaugure en fait une nouvelle fa{\c c}on de voir, de sentir et d\’appr{\'e}hender le monde, {\`a} l\’ext{\'e}rieur du temps de l\’{\'e}criture, et qui d{\'e}borde les \«fronti{\`e}res du lieu o{\`u} [l\’{\'e}crivain] habitait\» (p. 28). En cela, les multiples {\'e}pisodes de l\’Apr{\`e}s-midi d\’un {\'e}crivain donne {\`a} lire une vision de l\’{\'e}criture qui, pour Handke, inscrit le mouvement du corps, son d{\'e}placement, au c{\oe}ur m{\^e}me d\’une exp{\'e}rience du regard et d\’une travers{\'e}e des sens.
Confront{\'e} {\`a} la r{\'e}alit{\'e} du monde ext{\'e}rieur et mis {\`a} l\’{\'e}preuve par ses propres perceptions, l\’{\'e}crivain {\'e}merge donc peu {\`a} peu de l\’{\'e}tat d\’engourdissement dans lequel le plonge son travail. Le long parcours dans la ville, amorc{\'e} au d{\'e}but du r{\'e}cit, et ses nombreuses rencontres suscitent en lui une r{\'e}flexion sur la pratique et la raison de l\’{\'e}criture. Car, marqu{\'e} par la fragilit{\'e} et l\’exigence de celle-ci, il oscille entre l\’exaltante certitude de mener une d{\'e}marche l{\'e}gitime et l\’angoisse de ne pas {\^e}tre juste (p. 17), de ne pas avoir le droit d\’{\'e}crire. S\’opposent {\'e}galement en lui le d{\'e}sir d\’aller vers les gens et l\’incapacit{\'e} {\`a} communiquer. Somme toute, ce n\’est que dans l\’isolement de la chambre d\’{\'e}criture \—sa \«maison dans la maison\» (p. 12) ou dans la \«tour d\’ivoire\», qui renvoie {\`a} l\’essai autobiographique de Peter Handke, J\’habite une tour d\’ivoire (1992)\—, que l\’{\'e}crivain abolit la distance entre lui et les autres.
R{\'e}sum{\'e} interpr{\'e}tatif:
C\’est {\`a} travers le r{\'e}cit de l\’apr{\`e}s-midi d\’un {\'e}crivain, de sa promenade dans la ville et au c{\oe}ur du monde sensible, que Peter Handke propose une r{\'e}flexion sur l\’{\'e}criture dans ses rapports {\`a} la vie, au temps, {\`a} la forme et au regard. Aussi, le r{\'e}cit s\’ouvre sur l\’aveu de la fragilit{\'e} de l\’{\'e}criture, de la peur, chez l\’{\'e}crivain, de \«rester bloqu{\'e}, de-ne-plus-pouvoir-continuer, oui, d\’{\^e}tre contraint de s\’interrompre pour toujours [comme il l\’avait ressentie] pour tout ce qui exigeait de s\’en tenir {\`a} ce qu\’on faisait\» (p. 9-10). L\’{\'e}crivain amorce donc, apr{\`e}s avoir {\'e}t{\'e} exil{\'e}, exclu du langage pendant un an, un \«recommencement incertain\» (p. 10) o{\`u} chaque mot devient porteur de la possibilit{\'e} d\’une suite, o{\`u} chaque geste, ritualis{\'e}, peut l\’{\'e}loigner ou le rapprocher de l\’{\'e}criture. C\’est dire que l\’{\'e}crivain reprend contact avec la r{\'e}alit{\'e}, chacune de ses rencontres le renvoyant {\`a} un sentiment d\’{\'e}tranget{\'e}, de fragilit{\'e} et d\’incommunicabilit{\'e} vis-{\`a}-vis de ceux qui, contrairement {\`a} lui, ne parlent pas {\`a} partir de l\’{\'e}criture.\ 
{\'E}mergeant peu {\`a} peu de l\’{\'e}tat de concentration inh{\'e}rent {\`a} son travail, l\’{\'e}crivain se heurte au monde : le choc du r{\'e}el et l\’incompatibilit{\'e} de son rythme avec celui des autres le font douter de sa propre lecture du monde, voire de son droit d\’{\'e}crire. Pour l\’{\'e}crivain, {\'e}crire rel{\`e}ve donc \«du d{\'e}lit, la pr{\'e}tention d\’une {\oe}uvre d\’art, d\’un livre, le pire des blasph{\`e}mes et qui, plus que nul autre p{\'e}ch{\'e}, entra{\^\i}n[e] la damnation. Et ce m{\^e}me sentiment de faute impardonnable, d\’{\^e}tre ainsi exclu du monde {\`a} tout jamais, il l\’{\'e}prouv[e] cette fois, les sens en {\'e}veil, au milieu de ces gens venus l{\`a} apr{\`e}s leur travail\» (p. 67). Ainsi, sa \«d{\'e}faite en tant qu\’{\^e}tre social\» (p. 68-69) consomm{\'e}e, l\’{\'e}crivain se rend {\`a} un rendez-vous fix{\'e} avec son traducteur : seul {\`a} parler {\`a} la fois la langue de l\’{\'e}crivain et celle du monde. Le traducteur raconte comment il a cess{\'e} d\’{\'e}crire, ayant choisi de s\’effacer derri{\`e}re les textes des autres pour {\'e}viter les tourments de l\’{\'e}criture et pour {\'e}viter de montrer sa blessure en montrant celle de l\’autre, mais aussi combien, depuis qu\’il est traducteur, il \«aimerai[t] mourir derri{\`e}re [sa] table de travail\» (p. 77).
{\'E}trangement, ce t{\'e}moignage sur le refus d\’{\'e}crire semble refl{\'e}ter les angoisses de l\’{\'e}crivain qui rentre chez lui rassur{\'e}, r{\'e}concili{\'e} avec la mat{\'e}rialit{\'e} du monde et pr{\^e}t pour l\’{\'e}criture du lendemain. Car tout au long de sa journ{\'e}e, de ses rencontres au caf{\'e}, dans la foule ou avec son traducteur, c\’est comme si l\’{\'e}crivain ne s\’{\'e}tait pas {\'e}loign{\'e} \«de son travail, [mais que] celui-ci l\’accompagnait ; comme si, tr{\`e}s loin pourtant de sa table, il y {\'e}tait toujours {\`a} l\’{\oe}uvre\»(p.29). C\’est dire que l\’{\'e}criture ne se limite pas au temps pass{\'e} {\`a} {\'e}crire, qu\’elle ne cesse pas avec la sortie de la maison, mais au contraire, qu\’elle se poursuit {\`a} travers les rencontres et les traces que laissent les perceptions.
Outre les d{\'e}tails de la promenade de l\’{\'e}crivain, de leur imbrication dans l\’{\oe}uvre en cours, le texte de Handke offre une exceptionnelle mise en sc{\`e}ne du regard : regard de l\’{\'e}crivain sur la r{\'e}alit{\'e} \—transform{\'e} par l\’{\'e}criture, lucide\—, mais aussi regard des autres qui ignorent, qui fr{\^o}lent ou fixent l\’{\'e}crivain. D\’o{\`u} la question de l\’anonymat difficile {\`a} pr{\'e}server pour un personnage {\`a} la fois solitaire et public.\ 
Mais si le th{\`e}me de la promenade renvoie {\`a} une conception de l\’{\'e}criture comme mouvement, {\`a} l\’image du r{\'e}cit de l\’{\'e}crivain o{\`u} se dessine justement une vision de l\’{\oe}uvre bas{\'e}e sur la mouvance et sur le caract{\`e}re provisoire des choses, il propose {\'e}galement une vision de l\’{\oe}uvre \«o{\`u} le mat{\'e}riau [ne serait] rien et la disposition presque tout ; quelque chose qui au repos reste[rait] en mouvement, sans rien pour la faire tourner, o{\`u} tous les {\'e}l{\'e}ments se maintien[draient] eux-m{\^e}mes en suspens ; qui [serait] ouverte, accessible {\`a} tous et inusable\» (p. 29).

Source : Interligne - UQ{\`A}M (http://www.interligne.uqam.ca/pages/liste_biblio.asp)

}, author = {Peter Handke} }