@book {425,
title = {Le sourire d{\textquoteright}Anton ou l{\textquoteright}adieu au roman},
year = {2001},
pages = {207},
publisher = {Les Presses de l{\textquoteright}Universit{\'e} de Montr{\'e}al},
organization = {Les Presses de l{\textquoteright}Universit{\'e} de Montr{\'e}al},
address = {Montr{\'e}al},
abstract = {
R{\'e}sum{\'e} descriptif:
Le sourire d\’Anton ou l\’adieu au roman regroupe une s{\'e}lection de textes tir{\'e}s du journal que tenait Andr{\'e} Major entre 1975 et 1992. Les extraits choisis, revus par l\’auteur avant leur publication et pr{\'e}sent{\'e}s chronologiquement, t{\'e}moignent de l\&$\#$39;accomplissement d\&$\#$39;un \«voyage {\`a} l\’int{\'e}rieur de soi\» (p. 10). Ils retracent le parcours qui a conduit Major {\`a} d{\'e}laisser la fiction, et plus particuli{\`e}rement le roman, pour se consacrer {\`a} une tout autre forme d\’{\'e}criture : le carnet. L\’{\'e}criture intimiste que pratique Major est devenue le centre de son existence. Il y a d{\'e}couvert l\’espace qui convient au d{\'e}ploiement de sa pens{\'e}e, qu\’il d{\'e}sire ind{\'e}pendante et lucide, lieu o{\`u} \«s\’affirment une personnalit{\'e} et une {\'e}criture lib{\'e}r{\'e}e des contraintes de la composition\» (p. 185).
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Attentif {\`a} la r{\'e}alit{\'e} quotidienne qu{\'e}b{\'e}coise \—qu\’il nomme le r{\'e}el\— {\`a} laquelle il r{\'e}agit constamment, l\’auteur s\&$\#$39;int{\'e}resse aux mouvements politiques, sociaux et culturels. D{\'e}sillusionn{\'e}, aspirant {\`a} se distancier de ses pr{\'e}occupations collectives sans jamais y arriver, il ne peut que constater les signes r{\'e}currents de son attachement aux causes qui lui tiennent {\`a} coeur. Ce principe d\’oscillation, qui r{\'e}git le livre, correspond {\`a} sa vision de l\’art. Selon Major, le propre m{\^e}me de l\’art est de \«favoriser, de rendre n{\'e}cessaire ce va-et-vient entre l\’identit{\'e} et l\’{\'e}tranget{\'e}, entre le v{\'e}cu et le possible, entre le trivial et le merveilleux et ultimement, entre la vie et la mort\» (p. 95). Le livre soul{\`e}ve de nombreuses questions sur la langue, l\’{\'e}criture et ses influences, l\’institution litt{\'e}raire, la transformation du Qu{\'e}bec des derni{\`e}res d{\'e}cennies qui fait reconna{\^\i}tre {\`a} Andr{\'e} Major son incapacit{\'e} {\`a} \«accorder sa voix {\`a} celle du ch{\oe}ur c{\'e}l{\'e}brant le Qu{\'e}b{\'e}cois nouveau\» (p. 11).
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Le sourire d\’Anton constitue un clin d\’{\oe}il complice {\`a} Anton Tchekov qui a \«pris le risque de tout dire, autant la m{\'e}diocrit{\'e} des hommes que leur nostalgie d\’un salut improbable\» (p. 128). Major y manifeste un d{\'e}tachement, du roman surtout, qui le conduit {\`a} une {\'e}criture de la fragmentation. Bien que l\’ouvrage s\’inscrive dans des conditions temporelles et spatiales sp{\'e}cifiquement qu{\'e}b{\'e}coises, les id{\'e}es qui y sont expos{\'e}es proviennent d\’une r{\'e}flexion plus large, qui ne se limite pas {\`a} leur contexte. Major cherche {\`a} investir sa subjectivit{\'e}, sa parole vivante.
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R{\'e}sum{\'e} interpr{\'e}tatif:
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Le retranchement dans les sentiers d\’une {\'e}criture de l\’intime, qui se joue dans Le sourire d\’Anton, est li{\'e} {\`a} la volont{\'e} d\&$\#$39;Andr{\'e} Major de rompre avec le roman, \«cette forme d{\'e}tourn{\'e}e d\’aveu\» (p. 185), et de se dissocier du romancier qu{\'e}b{\'e}cois. Selon lui, cet \«artisan de l\’obscur contre-pouvoir du langage appel{\'e} {\`a} t{\'e}moigner, plus ou moins implicitement, plus ou moins n{\'e}gativement, du fait qu{\'e}b{\'e}cois\» (p. 130), finit par rev{\^e}tir les couleurs de la d{\'e}sillusion et du masque. Dans la courte pr{\'e}face de l\&$\#$39;ouvrage, Major annonce la posture {\'e}nonciative qui pr{\'e}side {\`a} ses carnets : \«[\…] le narrateur court le risque d\’{\^e}tre impudique \—et vuln{\'e}rable\— en {\'e}vitant le d{\'e}tour commode de la fiction et en oubliant toute biens{\'e}ance morale ou id{\'e}ologique\» (p. 11).
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La mort du roman {\'e}voqu{\'e}e dans le titre est li{\'e}e au vide effrayant que creuse la pens{\'e}e de sa fin chez Major ; il avoue que \«l\’art de sourire {\`a} la mort n\’est pas un apprentissage ais{\'e}\» (p. 66). Voulant {\'e}chapper {\`a} \«l\’inconsistance du v{\'e}cu\» (p. 112), il souhaite \«cr{\'e}er par les mots ou {\`a} travers eux une surabondance de vie qui entra{\^\i}ne la mort dans ses remous ou, {\`a} tout le moins, en dilue la toxicit{\'e}\» (p. 205). M{\^e}me si l\&$\#$39;auteur consid{\`e}re que vivre est son premier devoir, il sait pertinemment \«qu\&$\#$39;on ne gu{\'e}rit jamais de vivre avec l\&$\#$39;obsession de la mort\» (p. 41).\
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Ses \«carnets de d{\'e}route\» (p. 47-48) sont ponctu{\'e}s d\&$\#$39;images r{\'e}currentes de la fuite, de l\’errance, du d{\'e}sert, figures de la dissolution auxquelles r{\'e}pond l\’{\'e}criture. Par sa pratique, l\’{\'e}crivain veut en effet arriver {\`a} se d{\'e}tacher de lui-m{\^e}me et de la vie, car la mort est d{\'e}j{\`a} l{\`a}, en lui. Il trouve {\'e}galement dans la litt{\'e}rature, notamment chez des {\'e}crivains {\'e}trangers envers lesquels il montre un grand int{\'e}r{\^e}t, une noirceur b{\'e}n{\'e}fique qui lui permet de supporter la sienne. {\`A} l\’instar de L{\'e}autaud, J{\"u}nger, Perros, Pavese et Gombrowicz, Major cherche une {\'e}criture dans laquelle s\’insinuerait l\’espoir d\’une solitude cr{\'e}atrice, retrouv{\'e}e \«pour jouir encore du privil{\`e}ge insens{\'e} de la parole\» (p. 106), et ce, m{\^e}me au c{\oe}ur d\’un sentiment de d{\'e}route. Face {\`a} cette angoisse, l\’errance, pour lui une forme de sagesse, lui procure un certain apaisement : \«J\’aime trouver dans l\’{\'e}criture des saillies aussi inattendues que des points de rep{\`e}re dans le d{\'e}sert\» (p. 96). La pens{\'e}e qui structure le livre est fid{\`e}le {\`a} cette oscillation constante entre le d{\'e}sir du r{\'e}el et le possible, la vie et la mort.\
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Dans l\’incapacit{\'e} de tenir la promesse d\&$\#$39;en finir une fois pour toutes avec l\&$\#$39;{\'e}criture, l\’acte d\’{\'e}crire demeure alors un engagement irr{\'e}m{\'e}diable. Sa d{\'e}marche est li{\'e}e {\`a} une douloureuse qu{\^e}te d\&$\#$39;identit{\'e} o{\`u} il h{\'e}site entre la recherche et la fuite de ce personnage qui l\’habite. Et si parfois il croit s\&$\#$39;en mettre {\`a} l\’abri par le d{\'e}tour de la fiction, c\&$\#$39;est pour constater qu\&$\#$39;il y trahit son intimit{\'e}.
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En ce sens, la figure d\’Anton Tchekhov, qui \«souriait [\…] par lassitude, par compassion, aussi\» (p. 89), veut illustrer la d{\'e}marche diaristique de Major. De son {\'e}criture {\'e}merge une voix dont la tonalit{\'e} r{\'e}v{\`e}le aussi bien l\’indignation que le murmure, la vitalit{\'e} que le d{\'e}tachement. Car l\’{\'e}criture de la d{\'e}sertion n\&$\#$39;est pas pour Major une {\'e}criture de l\’oubli ou de l\’indiff{\'e}rence : elle \«est moins une manifestation d\’indiff{\'e}rence au r{\'e}el qu\’une {\'e}chapp{\'e}e vers cet autre r{\'e}el qu\&$\#$39;est le territoire du possible\» (p. 125). Elle va {\'e}galement de pair avec l\’aspiration {\`a} un d{\'e}pouillement langagier qui donnerait l\&$\#$39;impression (comme pour Tchekhov) d\’une pens{\'e}e en proc{\`e}s, sorte de r{\^e}ve fait {\`a} voix haute, sans souci \«d\’instruire son lecteur ou de lui r{\'e}v{\'e}ler une quelconque v{\'e}rit{\'e}\» (p. 120). L{\`a} o{\`u} la langue pourrait enfin atteindre une transparence et une justesse.
Source : Interligne - UQ{\`A}M (http://www.interligne.uqam.ca/pages/liste_biblio.asp)
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author = {Andr{\'e} Major}
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