@book {427, title = {Devant la parole}, year = {1999}, pages = {177}, publisher = {P.O.L}, organization = {P.O.L}, address = {Paris}, abstract = {

R{\'e}sum{\'e} descriptif:

Acteur et auteur dramatique, Val{\`e}re Novarina poursuit avec Devant la parole sa r{\'e}flexion sur le langage, la parole, le temps, l\’espace. Il nous invite notamment {\`a} repenser notre rapport {\`a} la parole en donnant {\`a} comprendre le langage comme l\’objet qui contient tous les autres (b{\^e}te de mots qui se d{\'e}place devant, autour et dans l\’homme) et le lieu m{\^e}me de l\’homme en qu{\^e}te d\’espace, c\’est-{\`a}-dire de sens, d\’ouverture au sein du monde. En quatre chapitres, pr{\'e}c{\'e}d{\'e}s d\’illustrations qui tiennent lieu d\’exergues, la parole est prise \—donn{\'e}e\—, se d{\'e}ploie et \«devient par instants l\’objet d\’une vue\» (p. 73).
Novarina insiste tout particuli{\`e}rement sur le fait que la parole, cette combinaison d\’{\'e}l{\'e}ments disjoints qui survient dans un monde gouvern{\'e} par l\’attente et r{\'e}gi par un chaos de contradictions, n\’est pas l{\`a} pour exprimer le dicible ou le visible. Elle existe au contraire pour mieux appr{\'e}hender l\’absence. Mais ce faisant, elle s\’{\'e}croule : la nomination des choses, en tant qu\’orchestration math{\'e}matique mise en {\oe}uvre pour pallier les manques, ne fait que r{\'e}pondre {\`a} un postulat arbitraire suivant lequel \«rien n\’est sans langage\» (p. 33). Et derri{\`e}re ce postulat, le langage appellerait sans cesse {\`a} son propre renversement, inciterait {\`a} r{\^e}ver d\’autres formes, d\’autres fa{\c c}ons de dire. L\’homme se renouvelle ainsi {\`a} chaque mot en une combustion {\'e}clairante, une multiplication de l\’espace par le temps. D{\`e}s lors le langage, lieu d\’origine et d\’enfouissement, \«d{\'e}chire le monde devant nous\» (p. 57).
Quant {\`a} l\’espace th{\'e}{\^a}tral, il fragmente et recompose le r{\'e}el, {\'e}met des \«signaux d\’hommes\» (p. 66), nous r{\'e}apprend {\`a} nommer le monde. C\’est pourquoi le th{\'e}{\^a}tre demeure fragile, temple et pri{\`e}re : nous ne sommes en tout et pour tout que des paroliers {\'e}ph{\'e}m{\`e}res, et ne portons en nous que le souffle d\’une langue.
R{\'e}sum{\'e} interpr{\'e}tatif:
Que se passe-t-il quand un homme de th{\'e}{\^a}tre s\’interroge sur les probl{\`e}mes inh{\'e}rents {\`a} la parole ? Val{\`e}re Novarina s\’attaque {\`a} cette question avec un sens instinctif de la mise en sc{\`e}ne, d{\'e}ployant dans cet essai une r{\'e}flexion en quatre actes (ou chapitres), avec d{\'e}cors \—peintures, photographies\— et acteurs (imaginaires ou non). Tr{\`e}s vite il constate la complexit{\'e} des enjeux, et souligne {\`a} quel point il est illusoire d\’esp{\'e}rer une r{\'e}ponse univoque, d{\'e}finitive et derni{\`e}re.
La parole se doit en fait de percer l\’espace, de signifier, m{\^e}me de fa{\c c}on abstruse, au centre de l\’absence. C\’est peut-{\^e}tre l\’absence qui donnerait son sens au langage, et par le fait m{\^e}me {\`a} la pr{\'e}sence. Il ne s\’agit donc pas de saisir des contenus ou des messages, mais plut{\^o}t de cerner la \«dynamique verbale\» (p. 21) qui am{\`e}ne le langage {\`a} entrer en guerre contre lui-m{\^e}me. Renversement, transformation, renouvellement, scissiparit{\'e} : ces mots guident implicitement le travail de Novarina. Il en r{\'e}sulte un texte qui ne se tient pas, se refuse {\`a} lui-m{\^e}me comme appui, se d{\'e}sob{\'e}it. Par ce jeu paradoxalement coh{\'e}rent, l\’auteur s\’{\'e}l{\`e}ve contre une certaine fonction de la parole, contre ce radotage consistant {\`a} {\'e}changer la parole comme on {\'e}change des informations, des objets, et revendique dans l\’{\'e}criture un souffle vrai, une force animale. Du texte de Novarina se d{\'e}gage une {\'e}nergie qui bouscule les mots d\’une fa{\c c}on telle qu\’il en surgit du lieu, de la mati{\`e}re, de l\’autre. En parlant il faut se porter {\`a} la rencontre de cette force impersonnelle de d{\'e}chirure, il faut entrer dans le langage, faire comme lui, avec lui, de l\’espace : {\`a} m{\^e}me l\’espace et {\`a} m{\^e}me le temps, mais plus encore {\`a} la jonction de ces deux dimensions, poursuivre et entretenir leur rencontre.
Entre l\’abstrait et le concret : le pli du r{\'e}el. L{\`a} {\'e}galement, pour la r{\'e}demption de nos {\^a}mes, appara{\^\i}t le th{\'e}{\^a}tre. L\’espace th{\'e}{\^a}tral est pr{\'e}cis{\'e}ment le lieu o{\`u} l\’homme sans homme, l\’acteur, \«praticien du vide\» (p. 70), proph{\`e}te de la m{\'e}moire, peut mat{\'e}rialiser le mot en un objet chiffr{\'e}, une forme respir{\'e}e. Sur sc{\`e}ne, ni illusion, ni r{\'e}f{\'e}rence, mais une d{\'e}composition et un d{\'e}sagissement de l\’homme r{\'e}incarn{\'e} dans le langage, dans un nouvel espace, dans une lumi{\`e}re autre, devant l\’autre. Ainsi, \«l\’acteur devant nous est un animal qui s\’insoumet {\`a} l\’image humaine\» (p. 81) en faisant r{\'e}sonner sa m{\'e}moire. Pour Novarina, le \«th{\'e}{\^a}tre est le lieu o{\`u} faire appara{\^\i}tre la po{\'e}sie active\» (p. 84), r{\'e}sistance contre l\’idol{\^a}trie et le pouvoir de l\’image. Le th{\'e}{\^a}tre repr{\'e}senterait encore un devenir politique de la po{\'e}sie o{\`u} l\’{\'e}criture s\’entend, pr{\'e}cise et vibrante, atteint son but, interroge le langage. \«Temps et langue deviennent sur sc{\`e}ne une m{\^e}me nourriture et lorsque nous mangeons, c\’est signe que nous avons faim de changer quelque chose 1\».
Devant la parole n\’est pas l\’analyse d\’un \«intellectuel {\'e}metteur d\’opinion\» (p. 69) ni l\’expression d\’un \«{\^e}tre sensible ressentant des impressions\» (p. 69). La posture de Novarina semble plut{\^o}t r{\'e}gie par la n{\'e}cessit{\'e} de l\’exploration, du risque, de l\’exp{\'e}rience-limite du langage. Le verbe {\'e}branle l\’action, lib{\`e}re la pens{\'e}e, la transforme en souffle et en passages. Verbe ludique et incantatoire, comme dans les premi{\`e}res pages de La chair de l\’homme 2 o{\`u} le texte litt{\'e}ralement se fait verbe. \«L\’espace est un verbe\» (p. 119) disait justement Louis de Fun{\`e}s, l\’acteur-philosophe de Novarina. Cet espace est d{\'e}livr{\'e} par le temps qui le multiplie, le ramifie, le d{\'e}plie : \«le temps est l\’acteur de l\’espace\» (p. 171), et c\’est en le traversant que l\’{\'e}motion appara{\^\i}t.
On le voit, tout converge, se touche, tout se transmet. Tout meurt {\'e}galement, m{\^e}me dans les citations imaginaires, la d{\'e}structuration, les lois antiphysiques. Le possible, l\’ouverture, r{\'e}sident dans l\’{\'e}coute, dans l\’ombre, l\’{\'e}garement : l\’homme livr{\'e} seul {\`a} ce qui l\’exc{\`e}de.
1Val{\`e}re Novarina, Le repas, Paris, P. O.L., 1996, p. 19.
2Val{\`e}re Novarina, La chair de l\’homme, Paris, P. O.L., 1995, 525 p.
Source : Interligne - UQ{\`A}M (http://www.interligne.uqam.ca/pages/liste_biblio.asp)

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