@book {403, title = {L{\textquoteright}{\'e}criture comme un couteau. Entretiens avec Fr{\'e}d{\'e}ric-Yves Jeannet}, year = {2003}, pages = {156}, publisher = {Stock}, organization = {Stock}, address = {Paris}, abstract = {

R{\'e}sum{\'e} descriptif:

L\’{\'e}criture comme un couteau se pr{\'e}sente comme un recueil d\’entretiens accord{\'e}s par Annie Ernaux {\`a} l\’{\'e}crivain Fr{\'e}d{\'e}ric-Yves Jeannet. L\’ouvrage provient d\’une correspondance par courriel {\'e}chelonn{\'e}e sur une p{\'e}riode d\’un an, en 2001 et 2002. La forme de l\’{\'e}change propos{\'e} offrait le d{\'e}lai n{\'e}cessaire {\`a} Ernaux pour \«faire surgir du vide ce [qu\’elle] cherche, {\'e}prouve quand [elle] {\'e}cri[t] \—ou tente d\’{\'e}crire\— et qui est absent quand [elle] n\’{\'e}cri[t] pas\» (p. 12). Cette libert{\'e} lui a permis d\’{\'e}laborer une r{\'e}flexion sensible et sinc{\`e}re marqu{\'e}e par la rigueur. Le livre, constitu{\'e} de vingt et un chapitres titr{\'e}s, aborde les diff{\'e}rents th{\`e}mes qui sous-tendent sa d{\'e}marche : {\'e}criture autobiographique, m{\'e}moire, culpabilit{\'e}, processus cr{\'e}ateur et engagement, par exemple. Le recueil demeure fid{\`e}le {\`a} la ligne directrice fix{\'e}e au d{\'e}part : l\’{\'e}nonciation de sa posture d\’{\'e}crivaine mise en relation avec sa position esth{\'e}tique et sa vision {\'e}thique.
Dans cet {\'e}change, Ernaux relate un parcours qui s\’est amorc{\'e}, jeune, par la lecture. Sa premi{\`e}re conception de la litt{\'e}rature correspondait alors {\`a} un certain id{\'e}al de beaut{\'e}. Par la suite, elle n\’a cess{\'e} de s\’{\'e}loigner de cette position pour se tourner vers une d{\'e}construction des mod{\`e}les litt{\'e}raires institutionnalis{\'e}s et la pratique d\’une {\'e}criture du r{\'e}el : \« [\…] quelque chose entre la litt{\'e}rature, la sociologie et l\’histoire\» (p. 59). Pour ce faire, le processus cr{\'e}ateur d\’Ernaux s\’accomplit par deux types d\’{\'e}criture : le journal intime, lieu d\’une jouissance, et les autres textes, lieux d\’une transformation. Pour elle, une telle pratique passe par une {\'e}criture du moi, non dans le but de le refl{\'e}ter, mais de contribuer, au moyen d\’une distance objectivante, {\`a} la recherche d\’une v{\'e}rit{\'e} hors de soi. Une v{\'e}rit{\'e} qui correspond pour elle {\`a} \«ce qu\’on cherche et qui se d{\'e}robe sans cesse\» (p. 30).
L\’{\'e}criture est ainsi devenue pour Annie Ernaux une entreprise \«d\’exploration totale\» (p. 53), un moyen de connaissance. Et ultimement, elle souhaite redonner une valeur collective au je en dehors de la fiction.
R{\'e}sum{\'e} interpr{\'e}tatif:
Dans L\’{\'e}criture comme un couteau, Annie Ernaux pr{\'e}sente diff{\'e}rentes pistes de r{\'e}flexion sur sa posture, sa pratique et son processus d\’{\'e}criture. Elle y montre une vision personnelle du litt{\'e}raire, {\`a} cheval entre une exposition et une exploration de son propre travail. Ces entretiens donnent {\'e}galement une vue d\’ensemble de son projet d\’{\'e}criture, qui s\’appuie sur l\’essentiel de son esth{\'e}tique : \«Si j\’avais une d{\'e}finition de ce qu\’est l\’{\'e}criture ce serait celle-ci : d{\'e}couvrir en {\'e}crivant ce qu\’il est impossible de d{\'e}couvrir par tout autre moyen\» (p. 150). Selon cette perspective, l\’{\'e}criture est entrevue comme un instrument de connaissance et de recherche, issu d\’un d{\'e}sir qui a toujours anim{\'e} l\’auteure : la qu{\^e}te de la v{\'e}rit{\'e}.
Le processus d\’{\'e}criture d\’Annie Ernaux repose en premier lieu sur la m{\'e}moire. Pour elle, la m{\'e}moire fonctionne {\`a} la mani{\`e}re d\’une accumulation d\’{\'e}v{\'e}nements reli{\'e}s {\`a} un je qui renvoie express{\'e}ment {\`a} sa personne. Se sachant d{\'e}finie par un ensemble de facteurs sociaux et historiques particuliers, elle consid{\`e}re ces d{\'e}terminismes fondamentalement li{\'e}s aux souvenirs. Au fil du trajet r{\'e}trospectif, il arrive que ce mouvement ralentisse pour se crisper autour d\’un d{\'e}tail, d\’un geste, d\’une sc{\`e}ne. Apr{\`e}s un temps, quand elle s\’ouvre sur la collectivit{\'e}, le g{\'e}n{\'e}ral, cette mati{\`e}re devient substance de l\’{\'e}criture : \«Au fond, le but final de l\’{\'e}criture, l\’id{\'e}al auquel j\’aspire, c\’est de penser et de sentir dans les autres, comme les autres \— des {\'e}crivains, mais pas seulement \— ont pens{\'e} et senti en moi\» (p. 44). {\`A} travers une {\'e}criture du d{\'e}tail et de la sensation, Ernaux cherche {\`a} faire s\’incarner des id{\'e}es, des {\'e}motions, des contextes socio-historiques. Elle trouve la justesse dans ce lieu tr{\`e}s {\'e}troit, situ{\'e} {\`a} la jonction du priv{\'e} et du public.
Sa m{\'e}moire est ancr{\'e}e dans ses origines modestes, d\’o{\`u} le sentiment \«[d]e trahir deux fois [s]a classe d\’origine : la premi{\`e}re, qui n\’{\'e}tait pas vraiment de [s]a responsabilit{\'e}, par l\’acculturation sociale, et la seconde, consciemment, en [s]e situant dans et par l\’{\'e}criture du c{\^o}t{\'e} dominant\» (p. 78). Reprenant Bourdieu, Annie Ernaux {\'e}voque l\’ \«exc{\`e}s de m{\'e}moire du stigmatis{\'e}\» (p. 69), duquel elle se lib{\`e}re puisque la culpabilit{\'e} devient moteur d\’{\'e}criture. De plus, sans {\^e}tre militante, sa d{\'e}marche cr{\'e}atrice devient politique par ce d{\'e}sir violent d\’{\'e}crire le r{\'e}el, cette conscience de se mettre ainsi en danger au risque de provoquer l\’ordre social, mais aussi par le regard qu\’elle porte sur la condition f{\'e}minine.

Source : Interligne - UQ{\`A}M (http://www.interligne.uqam.ca/pages/liste_biblio.asp)

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