Imaginer, dit Kant, est une faculté de l'entendement, c'est la faculté de rendre présent ce qui est absent. De se mettre à la place du tout autre. L'imagination ainsi comprise est une faculté politique, une faculté morale. Il ne s'agit pas tellement de penser ce que pense l'autre, de partager l'immédiateté de l'autre, de jouer au grand jeu faux de la fusion, et toute personne qui a un jour composé un « personnage » romanesque sait bien que le premier devoir du romancier est de respecter le secret de ses personnages, de ne pas en violer l'intimité. Il s'agit donc de faire l'effort d'imaginer ce que serait notre pensée si elle était ailleurs. p. 25