Poésie et réalité

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TitrePoésie et réalité
Type de publicationLivre
Année de publication1987
Auteur·e·sRoberto Juarroz
CollectionTerre de poésie
Nombre de pages56
ÉditeurLes Éditions Lettres vives
VilleParis
Résumé

Résumé descriptif:

Dans Poésie et réalité, le poète argentin Roberto Juarroz s’interroge sur le sens profond de la poésie. Nourrissant sa réflexion de celles d’autres auteurs, il emprunte, dans ce court essai, deux voies distinctes et complémentaires : l’une qui examine le rapport de la poésie à la réalité et l’autre qui l’exprime par des poèmes. 
 
Juarroz postule d’entrée de jeu que la poésie, particulièrement la poésie moderne, a pour fonction première de briser les certitudes et d’opérer une ouverture dans la réalité. Quête fondamentale de l’impossible, la poésie «cultive les fissures» (p. 22), elle est une rupture nécessaire puisqu’elle permet de dépasser la réalité, de la créer. C’est ainsi que la poésie se définit, mais surtout qu’elle se vit comme un art de l’impossible, une «recherche constante de l’autre côté des choses, du caché, de l’envers, du non-apparent, de ce qui semblait ne pas être» (p.36). Mais, loin de laisser derrière elle une réalité fragmentée et divisée, la poésie recompose le réel et lui redonne son unité d’origine. Nouveau baptême du réel et de l’être, Juarroz envisage la poésie comme «le plus grand réalisme possible, [...] fondant les éléments dispersés d’un tout» (p.20). Elle propose en fait un «absolu réel», selon l’expression de Novalis, et par là-même une possibilité de transcendance, une promesse de libération. 
 
Pour Juarroz, non seulement la poésie exige-t-elle la plus grande disponibilité qui soit, en ce qu’elle est la «plus grande intensité possible du vécu» (p. 52), mais elle se rapproche en cela de l’amour. Aménageant une ouverture sur le sacré, puisqu’il est urgent, selon l’auteur, «de resacraliser le monde et de restituer à la vie sa transcendance originelle» (p. 29), la poésie est également une nécessité : l’unique voie possible du salut.
 
Résumé interprétatif:
 
Pour Roberto Juarroz, même si la poésie et la réalité «ne tiennent pas l’une dans l’autre» (p. 8), elles participent d’un même mouvement, d’une même écoute et, de là, il tente de démontrer que la seule réalité absolue est la poésie, car elle exige de l’homme qu’il s’inscrive dans le réel. En cela, il semble y avoir, «au tréfonds du réel, une demande de narration, d’illumination, de vision et peut-être même d’argument [...] qu’il y ait ou n’y ait pas d’autres sens» (p. 10). 
 
Se référant à Paul Klee —«le visible n’est qu’un exemple du réel»—, Juarroz établit pourtant que la première condition de la poésie est la rupture. Par un acte de transgression du langage, du lieu où habite l’être, le poète doit en effet briser ses habitudes de perception pour se tourner vers une réalité autre. La poésie ouvre ainsi sur quelque chose de plus riche et d’infini, elle «crée plus de réalité, elle ajoute du réel au réel, elle est réalité» (p. 16). 
 
Juarroz, tout en proposant d’étudier la relation entre la réalité et la poésie, nous avertit qu’il «n’est pas possible de définir la poésie, pas plus qu’il ne l’est de définir la réalité» (p. 13). Mais c’est en acceptant ce paradoxe, celui d’une poésie qui se veut à la fois tentative de saisie du réel et impossibilité d’y parvenir, que l’être humain accédera à une vision complète de la réalité, au cœur même de l’indicible.
 
De cette nécessité de vivre et de transcender le réel par la parole naît le principe de création qui sous-tend l’espace de la poésie et celui de la réalité. «Le poète crée le poème et se crée à nouveau dans le poème. [...] Bien plus encore : je pense que l’unique façon de reconnaître la réalité et de la recevoir, d’être réalité, c’est de la créer, en se créant et récréant avec elle» (p. 14). 
 
Cette réalité, dont le principe même est fait d’incertitude, n’est étrangère ni à la mort ni à la folie, mais Juarroz les embrasse toutes deux, comme on embrasse la vie car, pour lui, elles font nécessairement partie de l’expérience humaine. «La poésie est exigence extrême, rigueur sans appel, perturbation» (p. 42) mais, par elle, l’homme peut également réunifier imagination et intelligence, pensée et amour, action et contemplation.
 
La poésie est donc un acte de liberté : une liberté mystérieuse et inaliénable qui survit à toutes les répressions, à toutes les violences, à tous les désespoirs. Malgré les difficultés, malgré la rigueur et la discipline dont il ne saurait faire l’économie, «en créant, le poète lutte pour toute la dignité et la grandeur qui le disputent à la petitesse de l’homme» (p. 43). La poésie appelle l’homme à se dépasser, à s’accepter, et même à considérer l’imperfection comme figure de la perfection. Ainsi, au-delà de la notion philosophique salutaire de la poésie s’ouvre celle de la transcendance, liée chez Juarroz à la verticalité du poème et de l’attente. C’est en effet par cette attente du «visiteur qui jamais ne vient» (Roger Munier) que le poète devient une sorte de mystique à la recherche d’une resacralisation du monde. 
 
En guise de conclusion, Juarroz emprunte les mots de Nietzsche pour rappeler toute l’exigence d’un art poétique conçu comme ultime possibilité, radicale dépossession : «Dis ta parole et brise-toi».